Qu’est-ce qui contribue le plus à notre bonheur ?
Note : le texte suivant, toujours pertinent, a été écrit au 18iéme siècle par Arthur Schopenhauer, donc voici le visage.
Ce qui, par-dessus tout, contribue le plus directement à notre bonheur, c’est une humeur enjouée, car cette bonne qualité trouve tout de suite sa récompense en elle-même. En effet, celui qui est joyeux a toujours motif de l’être par cela même qu’il l’est. Rien ne peut remplacer aussi complètement tous les autres biens que cette qualité, pendant qu’elle-même ne peut être remplacée par rien. Qu’un homme soit jeune, beau, riche et considéré ; pour pouvoir juger de son bonheur, la question sera de savoir si, en outre, il est enjoué ; en revanche, est-il gai, alors peu importe qu’il soit jeune ou vieux, bien fait ou bossu, pauvre ou riche ; il est heureux.
Dans ma première jeunesse, j’ai lu un jour dans un vieux livre la phrase suivante : ‘Qui rit beaucoup est heureux et qui pleure beaucoup est malheureux.‘ Cette citation est bien niaise ; mais, à cause de sa vérité si simple, je n’ai pu l’oublier, quoiqu’elle soit le superlatif d’une vérité triviale. Aussi devons-nous, toutes les fois qu’elle se présente, ouvrir à la gaieté portes et fenêtres, car elle n’arrive jamais à contretemps, au lieu d’hésiter, comme nous le faisons souvent, à l’admettre, voulant nous rendre compte d’abord si nous avons bien, à tous égards, sujet d’être contents, ou encore de peur qu’elle ne nous dérange de méditations sérieuses ou de graves préoccupations ; et cependant il est bien incertain que celles-ci puissent améliorer notre condition, tandis que la gaieté est un bénéfice immédiat. Elle seule est, pour ainsi dire, l’argent comptant du bonheur ; tout le reste n’en est que le billet de banque ; car seule elle nous donne le bonheur dans un présent immédiat ; aussi est-elle le bien suprême pour des êtres dont la réalité a la forme d’une actualité indivisible entre deux temps infinis. Nous devrions donc aspirer avant tout à acquérir et à conserver ce bien.
Il est certain d’ailleurs que rien ne contribue moins à la gaieté que la richesse et que rien n’y contribue davantage que la santé : c’est dans les classes inférieures, parmi les travailleurs et particulièrement parmi les travailleurs de la terre, que l’on trouve les visages gais et contents ; chez les riches et les grands dominent les figures chagrines.
Arthur Schopenhauer, 1788-1860 (Le texte précédent est extrait de Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Chapitre II : De ce que l’on est.)
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