Poème de Rudyard Kipling : Tu seras un homme, mon fils
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie,
et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir.
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties,
sans un geste et sans un soupir.
Si tu peux être amoureux sans être fou d’amour.
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre.
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
pourtant lutter et te défendre.
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
travesties par des gueux pour exciter des sots.
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles,
sans mentir toi-même d’un mot.
Si tu peux rester digne en étant populaire.
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois.
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
sans qu’aucun d’eux ne soit tout pour toi.
Si tu sais méditer, observer et connaître,
sans jamais devenir sceptique ou destructeur.
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître.
Penser sans n’être qu’un penseur.
Si tu peux être dur sans jamais être en rage.
Si tu peux être brave et jamais imprudent.
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
sans être moral ni pédant.
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite,
et recevoir ces deux menteurs d’un même front.
Si tu peux conserver ton courage et ta tête,
quand tous les autres les perdront.
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
seront à tout jamais tes esclaves soumis.
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils.
Auteur : Rudyard Kipling
Courte biographie de Rudyard Kipling (1865-1936)
Écrivain britannique surtout connu pour ses ouvrages visant un jeune public : Le Livre de la jungle (1894), Le Second Livre de la jungle (1895), Histoires comme ça (1902), Puck, lutin de la colline (1906). En 1907, il reçoit le prix Nobel de littérature, faisant de lui non seulement le premier écrivain en langue anglaise ainsi reconnu, mais aussi le plus jeune à l’avoir reçu.
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