Paroles déplacées : un conte pour moins blesser
Un homme vint un jour auprès d’un sage et lui dit : « Je me suis mal conduit envers un de mes amis : je l’ai accusé injustement, et maintenant je ne sais pas comment réparer. Que me conseilles-tu ? » Le sage l’écoute attentivement et répond :
« Va dans la rue où habite ton ami, place une plume devant chaque maison et reviens me voir demain. »
L’homme s’en va, fait ce que le sage lui a dit, et le lendemain il retourne le voir.
« C’est bien. Va maintenant chercher les plumes et rapporte-les ici. »
Quelques heures après, l’homme revient tout penaud : il n’avait pas retrouvé une seule plume !
Alors le sage lui dit :
« Il en est de même pour les paroles : une fois proférées, tu ne peux plus les rattraper, elles se sont envolées. » Et l’homme repartit très malheureux.
Maintenant je voudrais, moi, prolonger cette conversation. Supposons que quelqu’un vienne me voir pour me demander comment réparer des paroles qu’il regrette. Je lui raconterai la même histoire, puis j’ajouterai quelque chose de très important. Je lui dirai : « Il faut que tu parles de nouveau de cette personne, mais en insistant sur ses qualités. Comme il y a toujours quelque chose de bon dans chaque créature, tu chercheras et tu trouveras. »
« Et de cette façon je réparerai ma faute ? »
« Non, ce n’est pas possible, car les paroles prononcées se sont enregistrées et elles ont déjà provoqué des dégâts dans les régions invisibles, et même visibles parfois. Mais tu créeras ainsi quelque chose de différent qui effacera un peu tes paroles passées. Seulement dépêche-toi, car plus le temps passe, plus tes paroles produisent des dégâts. »
« Alors par ces bonnes paroles je n’aurai pas encore réparé ? »
« Ce n’est pas sûr : les bonnes paroles que tu as prononcées ne neutralisent pas les mauvaises, car elles se sont enregistrées dans une couche différente de l’atmosphère psychique, et les couches se superposent. On ne peut pas rattraper les paroles qu’on a lancées, parce qu’elles se trouvent déjà enfouies sous d’autres couches physiques ou psychiques. Le temps est donc là un facteur très important. »
« … Oui, s’il s’est écoulé trop de temps, il n’y a plus rien à faire. Il ne faut donc pas tarder si c’est possible à réparer des paroles négatives, sans même attendre le lendemain, car la parole est vite envolée : c’est une force, une puissance qui parcourt l’espace et qui agit. »
Omraam Mikhaël Aïvanhov (Collection Synopsis n° 2, partie V, 2, www.prosveta.fr/fr/)